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LEÇON SUR LES SYNONYMES
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LA ZÉZETTE A MURIELLE
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Ce jour-la, la leçon portait sur les synonymes. « Le
synonyme, c’est le mot juste à sa juste place. Il sert à éviter les répétitions. »
Monsieur ne pouvait pas mieux dire. Il nous expliqua que même si les synonymes
vont au moins par deux, ils sont rarement jumeaux.
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Pour illustrer ses propos, il demanda à la
classe de chercher un synonyme de
revolver.
- Pistolet !
Cucu dégaina plus vite que Lucky
Luke. Monsieur opina du bonnet puis nuança sa réponse.
- Tu as
raison : revolver et pistolet sont des synonymes parce que ces deux mots veulent
dire à peu près la même chose sauf que le
revolver est une arme à feu à répétition tandis que le pistolet ne peut tirer
qu’un seul coup.
Moi j’appelle ça du chipotage, de l’ergotage et du coupage de cheveux en seize. A propos de
revolver, à la rentrée des classes, maman dut découdre celui qui était brodé sur
ma blouse (côté cœur), Monsieur ayant peu apprécié que je porte une arme sur
moi (pourtant inoffensive). Je ferme la parenthèse.
Je ne sais pas si Monsieur avait des envies de meurtre ce jour-là, toujours
est-il qu’il enchaîna avec l’exemple de la carabine et du fusil.
Cucu sauta sur l’occasion pour lui demander la différence entre un porc
et un cochon. Après une légère hésitation, Monsieur amorça un début d’explication.
- En apparence, je n’en vois aucune mais peut-être,
y en a-t-il une. Tenez, quand elle se rend chez le boucher, votre maman peut
commander un rôti de porc, jamais elle ne commandera un rôti de cochon même si la
viande servie est bel et bien du cochon. En revanche, elle dira du boucher
qu’il a un caractère de cochon, elle ne dira pas qu’il a un caractère de porc.
Toute la classe éclata de rire sauf que Monsieur, sur ce coup-là, n’avait
pas tout à fait raison. En effet, l’un des plats préférés du Général de Gaulle,
n’est-il pas les pieds de… cochon ? Ah.
Moi, je crois qu’employer « cochon » dans une expression,
c’est mignon et « porc », c’est plus fort.
Sans chercher la petite bête, vous la faites, vous, la différence
entre un phoque et une otarie, un pingouin et un manchot, un lapin et un lièvre ?
Pour rire, Cucu dit que malgré son bec,
le lièvre est un chaud lapin ! Moi, en tout cas, je sais distinguer le
cachalot de la baleine. Un cachalot peut avoir des rages de dents (comme moi),
une baleine non, vu qu’elle n’a pas de dents mais rien que des fanons (sauf que pour y repérer ses fanons, faut la
faire rire et ça, c’est pas gagné).
Trêve de plaisanterie, l’occasion faisant le larron, Monsieur écrivit
au tableau les mots : « porc-épic » et « cochon d’Inde ».
Il précisa que le cochon d’Inde n’était
pas un cochon (ni une dinde d’ailleurs) et affirma ironiquement que le cochon d’Inde
ne voulait surtout pas qu’on l’appelle « cobaye » pour ne pas devenir
l’objet d’expériences désagréables.
A la récré, au cours d’une bagarre, je vous jure que Lulu ne fit pas la
différence entre un marron et une châtaigne, son œil au beurre noir non plus
qui passa par toutes les couleurs de l’arc-en-ciel avant de devenir noir.
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Monsieur nous conseilla ensuite de bannir des
compositions françaises le verbe « faire » (verbe à tout faire par
excellence) en s’appuyant sur des exemples concrets : cultiver son jardin
au lieu de le faire… Puis, à la criée, il recueillit des synonymes de « gentil ».
Moi, je trouvais que les adjectifs retenus : « sympathique, mignon,
sage et charmant » convenaient à merveille à Dudu.
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Pour le plaisir, Monsieur corsa l’affaire lors
du dernier exercice puisqu’il nous demanda de chercher des synonymes de
« tricherie » se terminant par « rie ». Pari
difficile ! Chacun tenta d’apporter son grain de « rie » mais la
récolte fut maigrelette. Seul Dudu se prévalut du mot « tromperie ». S’il
y avait eu un Scapin dans la classe, peut-être aurait-il proposé : « fourberie »
mais il n’y en avait pas alors Monsieur nous libéra l’esprit en en livrant trois
d’affilée : « escroquerie, duperie, supercherie » ! Bien trop difficiles à trouver pour nos petites têtes de moineau, vous en
conviendrez. Ca faisait six au total.
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Depuis, j’ai fait mieux avec ma quéquette, en en
sortant dix de ma braguette : bistouquette, bizouquette, zézette,
zigounette, baïonnette, arbalète, la grosse…bébête, le borgne à roulettes et la
béquille à Jeannette.
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A l’époque, la quéquette désignait le sexe des
filles. Pour les garçons, c’était plutôt le zizi, le fifi ou le kiki
(d’ailleurs, c’est pas pour me vanter mais les baudets l’ont long, bien plus
encore que les étalons). En tout cas, pour zyeuter la zézette de notre cousine
Murielle, Philippe s’était trituré la cervelle toute une nuit et avait fini par
avoir une idée de génie en inventant un jeu super sympa (il a toujours été débordant
d’imagination, le Philippe : sa boîte crânienne, c’est une vraie boîte à
idées). Les règles de son jeu étaient d’une simplicité enfantine que même Lulu
aurait compris du premier coup.
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Je vous explique. Murielle devait poser debout, toute
habillée, à quatre pas de nous. Enfin trois. Vous suivez ? Après, avec un
épi de blé, à tour de rôle, on visait une partie de son corps. N’importe
laquelle. Ben oui, n’importe laquelle, celle qu’on voulait. Au choix, quoi. C’était
dans ses règles à Philippe. C’est pas fini. Après, Murielle devait se
déshabiller dans les blés et nous dévoiler la partie de son corps qu’on avait
réussi à toucher. C’est là que je dis que le Philippe, c’était un génie. Que
dis-je, un prodige ! Hyper simple et super bien, son jeu. Je ne vous ai
pas menti. Moi, j’avais quand même déposé un amendement (accepté à l’unanimité par Philippe et moi) qui
stipulait qu’on disposait de trois essais (pour parvenir à nos fins). Pas mal,
hein !
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Nous, dès le premier essai, on était hyper
concentrés sur la cible et la cible, je vous le donne en mille, c’était
la partie la plus sensible de son corps à
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Alors, dans les blés blonds mûris par le soleil d’été,
Murielle ôtait sa petite culotte et nous dévoilait les charmes de sa nudité
juvénile. Waouh ! Troublés et comblés, on devenait familiers des courbes
de son corps. Découvrir le plaisir en cachette, c’est comme marauder les pommes
sures de chez Monsieur Caupain ou bien chiper des bonbons chez Quinquin. Le
goût exquis de l’arrière bouche d’une chose pas permise est toujours délicieux.
Pas vrai ?
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Du coup, les jours sans blé semblaient longs. Surtout
pour Philippe. Je me demande bien si sa vocation de gynéco n’est pas née ce
jour-là ? Avant, il avait été docteur (comme nous), toujours dans les blés
avec des épis pointus pour piquer le cul des cousines en pagaille et reluquer
où il faut pas.
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Mais
revenons à notre jeu génial, je ne sais pas pourquoi mais Jean-Marc (l’un de mes
cousins) m’a servi de cible le lendemain !